Près du comptoir, une dizaine de motards au crâne rasé et aux bras couverts de tatouages sont affalés en rond dans des fauteuils et boivent cul-sec de grandes chopines mousseuses qu’ils accompagnent de minuscules verres de liqueur.Au prix où est l’alcool, ils pourraient tout aussi bien brûler des billets de vingt euros.Ils bavassent et rient fort dans une langue rocailleuse qui pourrait être du danois ou du norvégien, tout en flirtant effrontément avec deux grandes bringues bouffies et décolorées dont les repousses font deux ou trois centimètres et le tour de poitrine cent fois plus.« Deux Boas constrictors »,
voyance gratuite par mail, dont l’estomac commence à remonter dans la gorge, zigzague avec sa tasse en équilibre vers un coin plus tranquille, lorsque le plancher fait soudain un écart brusque, si bien qu’il renverse le liquide brûlant sur sa main en poussant un cri de douleur.« Merde... » jure-t-il, à la limite du mal de mer, « … ferais mieux de m’allonger ».Il déniche une place vide entre deux jeunes trekkers qui ronflent près d’une guitare et s’endort en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.***Lerwick, dix heures du matin.